Safari dans la Hoanib

 

Enfin arrivés à notre lieu de bivouac magique, posé au pied d'une belle masse rocheuse à quelques encablures de la rivière éphémère de la Hoanib, une célèbre séquence de poignées de main du Président Chirac s'invite dans mon esprit. « C'est loin mais c'est beau », répète-t-il inlassablement à ses très chers concitoyens d'un bled pommé situé je ne sais où. Quelle meilleure insertion pour vous parler de la Hoanib, cet oasis linéaire que l'on descend entre Sesfontein, au nord de Palmwag, et la zone située non loin du lodge de Wilderness Safaris (au-delà, plus en aval, interdiction de se balader à moins d'avoir réglé le ticket d'entrée d'une nuit dans ce lodge de luxe) ? Parce que oui, il faut y arriver là-bas ! Depuis Palmwag, 2 petites heures par une bonne piste sont nécessaires pour rejoindre l'embranchement qui permet de suivre le lit de la rivière asséchée. Enfin... si l'on ne « perd » pas trop de temps en route à photographier la faune (girafe, koudou, oryx, etc.) qui s'ébat généralement au bord de la route. Ensuite, comptez encore 2 petites heures pour parcourir la petite piste qui amène très doucement au terminus et éventuel lieu de bivouac.

 

 

 

Dans le lit de rivière, passée la première partie peu trépidante car envahie par les bergers et leurs troupeaux, on retrouve l'aspect sauvage qui fait la renommée de la Hoanib. La beauté de l'environnement lui a d'ailleurs valu certains reportages sublimes, que vous pouvez retrouver sur ma page liens. En cette période de sécheresse prolongée, alors que le désert du Namib paraît plus aride que jamais, la végétation « exubérante » détonne dans notre voyage. Faidherbia Albida et Salvadora Persica apportent des touches de vert presque anachroniques au tableau, lui-même composé essentiellement des teintes noires et brunes des roches, ainsi que du jaune des dunes de sable.

 

 

 

Alors oui, « c'est loin mais c'est beau » ! Mais vous me direz, fait-on simplement le déplacement pour la beauté et l'éloignement des lieux ? Ça se pourrait... Mais bien évidemment, si la Hoanib a été l'objet de films documentaires à l'écho planétaire, elle le doit aussi et surtout à ses populations d'éléphants et de lions du désert, quasi-uniques en leur genre en Afrique. Restant deux jours dans les parages, nous nous donnons toutes les chances de croiser la route de ces animaux extraordinaires, dans les deux sens du terme.

 

 

 

Et très vite la chance nous sourit. Nous tombons sur un groupe d'éléphants d'une quinzaine d'individus. Tout d'abord un gros mâle, puis le groupe de femelles et ses petits. Tous sont très calmes, sans signes d'énervement, alors nous avons tout loisir de les contempler en train de se nourrir paisiblement, consciencieusement, en prenant soin de ne pas gaspiller les maigres ressources dont ils dépendent. Un tout petit de quelques semaines se repose, allongé à l'ombre de sa mère ; alors que l'un de ses congénères, un poil plus âgé, commence à explorer maladroitement l'univers qui l'entoure avec sa trompe. Pas si simple pour un éléphanteau de diriger une branche vers sa bouche à l'aide de sa trompe préhensile, comme c'est le cas pour un jeune enfant apprenant à manger.

 

 

En tous cas, chapeau à cette centaine d'éléphants du désert du Namib qui s'adapte tant bien que mal aux sécheresses répétées et parvient encore à faire des petits. Nul doute que leur capacité à marcher jusqu'à 10000 km par an, ainsi qu'à se souvenir précisément de l'emplacement de sources d'eau enterrées sur leur territoire immense, saura les préserver du déclin qui plane sur eux comme une épée de Damoclès se rapprochant à chaque mauvaise saison des pluies.

 

Le lendemain, nous prenons le temps d'observer la faune plus « classique » du désert. Grâce à ses cours d'eau souterrains, qui ne tarissent pour l'instant pas malgré la sécheresse, la Hoanib offre un « garde-manger » crucial à la faune des environs. Comme les plateaux sont très peu pourvus en végétaux, oryx, girafes et springboks trouvent le lit de rivière particulièrement à leur goût. Avec un plaisir certain, nous sillonnons leur territoire en ne croisant que très peu d'autres véhicules (une dizaine tout au plus en 48h!).

 

 

 

La nuit dernière, pas de rugissements de lions entendus, pourtant audibles jusqu'à une petite dizaine de kilomètres en fonction des vents et des reliefs. Les lions de la Hoanib seraient-ils en vadrouille plus en aval, plus à l'ouest ? Ces derniers mois, certains ont même été observés en bord de mer. Quelle drôle d'image se doit être qu'un lion posé sur la plage embrumée de l'inhospitalière Côte des Squelettes, en train de croquer un bébé otarie ! Ces étonnants lions du désert de Namibie, champions de l'adaptation, mettent en branle notre imaginaire. Simba en train de dévorer une gazelle dans l'herbe jaunie de la savane sur fond de soleil couchant... Pfff, l'image d'Epinal, très peu pour nos lions du Namib. D'abord la survie dans le désert ; la photo de carte postale pour les touristes plus tard... Ou jamais, car ils sont bien discrets les bougres !

 

Alors quand nous tombons nez à nez avec deux femelles se reposant à l'ombre d'un salvadora persica, à quelques dizaines de mètres en dehors du lit de la rivière, j'ai du mal à y croire. J'avais déjà eu la chance de rencontrer trois lions du désert en avril 2017 sur le plateau d'Etendeka, mais là je n'osais l'espérer, étant donné l’absence de signes de leur présence. Nous sommes seuls, et à même pas 10 mètres, deux lionnes nous jaugent (nous sommes en 4X4, bien sûr). La plus vieille, au regard noir et perçant, se rendort rapidement. La plus jeune, âgée de moins de deux ans, avec ses « tâches de jeunesse » encore visibles sur son pelage, semble plus curieuse de notre présence. Liens de famille ou d'amitié, je n'en sais rien (mère-fille paraît tout de même plus probable), mais le tandem formé par ces deux magnifiques félins nous touche. La « petite jeune » ressemble à une lionne de dessin-animé, elle est magnifique, très élancée. La « guerrière », elle, contraste avec sa compagne par sa musculature impressionnante et les blessures de guerre ou de chasse qu'elles arborent.

 

 

 

 

Là où dans la savane les lionnes vivent en troupe et chassent en groupe, leurs avatars du désert doivent souvent se débrouiller seules pour survivre et éduquer leurs petits. Les proies étant moins nombreuses et les points d'eau plus éparpillés, le territoire de chaque lion ou troupe de lion s'avère immense et engendre un éclatement des populations. Toujours plus repoussées vers l'ouest et les régions arides par l'avancé du pastoralisme, ces lionnes vont preuve d'une adaptabilité hors du commun, parcourant de nombreux kilomètres et buvant peu pour chasser ou trouver un partenaire sexuel, alors même qu'elles ne diffèrent en rien biologiquement avec les populations de la savane. A voir nos deux acolytes, on devine aisément qui doit « se coltiner les courses ». Mais bientôt, espérons que la plus jeune acquerra assez d'expérience pour se débrouiller seule et courir les mâles du Namib, afin de prolonger le miracle de ces populations sillonnant le désert.

 

 

C'est avec tout cela en tête que nous savourons la chance insolente de nous trouver si proche d'elles. Et rebelote en fin d'après-midi lorsque nous leur rendons une nouvelle visite. Elles ont eu la bonne grâce de ne se déplacer que très peu pour nous permettre de leur dire adieu et bonne chance. Polies, elles feront de même en fin de nuit en passant non loin de notre bivouac, lançant de grands rugissements. Ou peut-être étaient-ils plutôt adressés à un éventuel mâle traînant le coin ? Je l'espère...

 

 

 

 

PS : Comme vous pouvez le voir sur les photos, les lionnes sont équipées de colliers qui permettent de les géolocaliser. Scientifiques, gouvernements et organisations privées ou publiques participent à ce projet visant à mieux connaître ces populations du désert, pour mieux les protéger. Evoluant hors des aires naturelles protégées comme Etosha, ces lions sont extrêmement vulnérables à la prédation des Hommes qui veulent protéger leurs troupeaux de bétail. Espérons que ces programmes permettront une meilleure sensibilisation auprès des populations locales et donc une meilleure préservation des lions du désert. Pour en savoir plus, rendez-vous sur cet excellent site.

 

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